Une banlieue faite de grimpons
Ce Running Drawing permet de découvrir Arcueil et sa multitude de grimpons. Les jambes des lettres M et N passent par des sentiers pentus où ce sont parfois de modestes maisons qui s'y logent et parfois des immeubles tertiaires d'une laideur inqualifiable. Visibles à des kilomètres à la ronde, les Flûtes de Villejuif brisent régulièrement la ligne d'horizon sur ce parcours. Et puis, au hasard d'une foulée rapide dans une rue qui descend fortement, c'est la maison jaune où le compositeur Érik Satie a vécu, qui se dessine entre les arbres.
Il faisait horriblement froid le jour où j'ai réalisé ce parcours. À quelques jours de la Toussaint, je suis rentrée à vélo frigorifiée et avec la certitude d'avoir attrapé la mort.
La question de la forme
En 1898, Érik Satie, tous ses moyens financiers ayant fondus, est contraint de quitter sa vie montmartoise et s’installe à Arcueil, rue Cauchy. Il vit dans une chambre sans eau ni éclairage de la maison dites aux "Quatre Cheminées". Grand marcheur, il rejoint son logis en passant, la nuit, par la Poterne des Peupliers pour quitter Paris. C'est en imaginant me glisser dans les pas de son fantôme que je réalise ce Running Drawing.
Ce parcours me touche particulièrement parce qu'il me permet de tirer d'humbles fils entre ma démarche et son esprit fécond mais plein de drôlerie. Je pense aux Morceaux en forme de poire. Il se raconte qu'Érik Satie donna ce titre à ces morceaux, en réaction à une remarque de Claude Debussy qui lui conseillait de soigner davantage sa forme. Avant de connaître cette histoire, je trouvais déjà délicieuse l'idée de donner une forme concrète à de la musique. La question de la forme m'habite sans doute un peu grâce à l'humour de sales gosses de Satie et Debussy. Dans cette course, qui fut difficile, j'ai le sentiment de boucler une boucle.